We need to talk ...

Loyce Bishop
Salomé Churchouse

J’étais au bar depuis le début de l’après midi. Non pas que Bill avait eu besoin de moi, puisqu’il y avait Kyle et Jenny pour aider, mais j’avais eu besoin de m’occuper l’esprit. Or, il n’y avait rien de mieux que le bar pour me changer les idées. Tout le temps occupé, tout le temps en mouvement, pas le temps de réfléchir. Il y avait déjà quelques personnes au comptoir, comme chaque jour, les amateurs de bières et malheureusement légèrement alcoolique étaient fidèles au poste. C’était ainsi chaque jour, chaque soir. Et ces gars me faisaient rire. Ils avaient beau avoir ce soucis d’alcool, ils étaient vrais et eux-mêmes et assumaient leur vice. Du moins, ils en donnaient l’impression.

Georges - Hey, gamin … fais pas le radin et ressers moi une petite pour la route.

Souriant, je terminais d’essuyer un verre tout en le rejoignant. George était un habitué depuis des lustres, et il me sortait cette phrase à chaque nouveau verre … La première fois, je l’avais regardé quelques secondes avant de le servir. La seconde fois, j’avais juste rigolé, comprenant que j’y aurais droit à chaque coup. Depuis maintenant 2 ans, c’était la même rengaine. J’adorais ce vieux crouton. Tu devrais faire gaffe, Georgie, si tu continues ainsi, tu vas finir par exploser … faisant rire l’assemblée. Alors dites-moi, dans une ambiance pareille, vous changeriez de job, vus? Moi je peux pas, j’aime trop ces petits cons et j’aime trop ce train de vie. J’ai 21 ans, je suis du genre bosseur et je n’hésite pas à foncer dans le tas quand ça dégénère, j’ai un look et une allure de voyou, ce que pas mal de personnes craignent ou … adorent. Mes tatouages impressionnent. Peu m’importe, j’aime celui que je suis devenu. Je gagne bien ma vie, j’ai un appartement à moi, un chien et les femmes font limite la queue derrière ma porte. Bon, j’exagère, mais je n’ai jamais eu à me plaindre de ce côté-là.

Seulement, depuis un an, il n’y en a eu qu’une. Et ce malgré toutes les autres qui attendaient et tentaient leur chance. Elle me suffisait. Pas une minute je me sui demandé pourquoi je craquais pas. C’était normal, nouveau et excitant. Passionnel. Fusionnel. Sympa. J’étais bien, elle était bien. On se disputait, on se comprenait, on se détestait, on s’aimait … Pour moi, c’était quelque chose de cool, d’agréable. Je savais que j’étais amoureux … je l’ai surtout compris récemment. Et qu’elle s’attachait aussi. Et comme souvent avant elle, et encore j’ai tenu une année, j’ai fui. C’est simple, aimer ce n’est pas pour moi. Aimer, c’est quelque chose qui m’ait interdit. Parce que tous ceux que j’aime, tous ceux que je finis par aimer, partent. Alors je suis parti avant elle. Ça ne fait qu’une semaine. Et elle me manque. Pire qu’une drogue. Mais j’ai pas eu le choix. Fallait le faire vite. Maintenant, elle m’appelle et m’écrit, sans obtenir de réponses. Je me refuse à lui expliquer. A lui donner des raisons, qui je sais au fond sont stupides. Je me refuse de la voir, car je sais que ça serait trop facile de craquer. Elle a été ma meilleure amie, amante et confidente pendant un an. Je sais au fond qu’elle est tout. Et c’est pour ça que je peux pas attendre de la perdre.

C’est également pour ça que je suis ici depuis le début d’après midi. Pour ne plus entendre sa voix sur mon répondeur. Pour ne plus penser à elle. Pour ne plus cogiter et résister à l’envie de la rappeler ou d’aller la voir. Et j’aurais dû me douter que si je ne donnais pas de nouvelles, elle viendrait en chercher. Mon cœur fait un bond et je me sens nerveux tout à coup. Elle est là, elle vient d’entrer. Je détourne le regard. Je ne veux pas qu’elle vienne. Je ne veux pas qu’elle s’approche. Pourtant, je sais que c’est inévitable et débile de penser: faites qu’elle ne m’ait pas vu. Je me retourne, prends une bouteille de whisky et vais pour servir un client. Et me retrouve face à elle. Trop belle. Trop triste. Trop.

LOYCE&SALOMÉ
THE SIMPLY BAR.

« Il faut bien que je fasse quelque chose, je n'arrête pas de l'appeler, mais il ne me répond jamais. Tu vois, j'ai vraiment besoin d'une explication parce que je suis complètement perdue, je ne comprends rien pourtant tout allait bien entre nous et là il est plus là. J'ai plus de nouvelles. C'est insupportable si tu savais comme il me manque. » C'était ma meilleure amie, je l'avais appelé à midi, c'était l'une des seules personnes à qui je parlais de mes histoires de coeurs. On m'a souvent répété que j'étais assez secrète sur ce genre de sujet et c'est vrai qu'en on y pense, je n'aime pas vraiment étaler tout ça, mais là je ne pouvais pas, j'étais tellement triste et j'avais l'impression d'être impuissante face à cette situation. Je raccrochais, posant mon portable sur le bar de la cuisine. Elle m'avait conseillé d'aller le voir, il n'allait pas pouvoir m'éviter et ainsi on allait pouvoir me parler. Nous n'avions pas encore eu l'occasion de s'expliquer et j'ai vraiment besoin d'avoir une explication, une explication pour cette séparation.

C'était décidé, j'allais le voir. J'allais le voir pour qu'on s'explique pour au moins pour que je connaisse au moins les raisons et cette fois-ci, je promets que je ne pleurais pas, il ne faut pas que je pleure, ÊTRE FORTE. Je devais y aller maintenant sinon je n'y serais jamais allée, par peur ? Peut-être, j'étais prête à aller le voir, à le voir. J'allais dans ma chambre, enfilais une robe-pull blanche arborant huit rayures noires en bas de ma robe. Je laçais mes boots et me maquilla, attrapa mon sac et allant rapidement dans le métro pour aller voir Loyce. Il y avait peu de monde dans le métro, au final ce n'était pas si mal. J'aimais beaucoup prendre le métro lorsqu'il y a peu de monde parce que le truc où vous êtes tous collés les un aux autres avec les odeurs ce n'est pas très agréable.

Je sortais du métro et en prenant de mon sac, une cigarette pour me détendre, pour être beaucoup moins stressée. J'étais stressée, je ne sais pas comment j'allais réagir, comment il allait réagir, c'était une sensation bizarre. J'étais arrivée assez rapidement devant le bar où travaillait Loyce. Je finissais ma cigarette et je pénétrais dans le bar. J'étais déjà venue dans ce bar, je connaissais un peu les lieux. J'étais devant la porte, regardant tout autour de moi cherchant Loyce. Je le vois, il sert un client. Je m'avance vers lui mon coeur battant la chamade. Je me retrouvais face à lui. Je t'en supplie Salomé, ne pleure pas. Je le regardais avec certaine tristesse et une espèce de gêne dont je ne pourrais expliquer la cause. « Euh... Salut Loyce... » Ma voix était devenue hésitante. « Euh... J'espère que... tu vas bien. » La situation était gênante, je le regardais pourquoi était-il si beau ?

Ça faisait une semaine que je ne l’avais pas vu. Une semaine que je lui avais dis que c’était fini. J’avais gardé mon calme, j’étais resté stoïque et avais réussi à cacher mon désarroi. Puis, froidement, je lui avais dis qu’on devait arrêter là. Elle avait d’abord rigolé, pensant que je blaguais. Puis elle avait vu mon air « sérieux » et les larmes étaient apparues. Ça avait été atroce de la voir si triste, de lui faire de la peine et du mal. Mais je n’avais pas eu le choix. Il avait fallu tout stopper avant qu’il ne soit trop tard. Seulement, ce que j’ignorais alors, c’était qu’il était déjà trop tard.

Sterling et Alex étaient les seuls à savoir la vérité. Les seuls à qui je prenais le risque de out raconter. Bien sûr, Alex étant l’emmerdeur professionnel de Salomé, il avait juste hoché la tête positivement en me disant: « Well done, dude ». Ça lui avait valu un super poing dans la figure, suivi d’une bonne bière. Cela dit, ils me comprenaient et c’était l’essentiel. Au fond de moi, je savais que j’avais joué au con. Que c’était une monumentale erreur que de l’avoir quitté. Parce qu’elle m’aimait et que je l’aimais aussi. Mais je fuyais toute forme de sentiments et d’engagement … et ce depuis gamin. On ne pouvait pas s’attendre à ce que je change radicalement du jour au lendemain … La vérité, c’était que j’avais laissé cette histoire allé trop loin.

Alors quand elle entra dans le bar, j’eus un moment de panique. Je savais très bien joué la comédie. Cacher mes sentiments, je le faisais depuis tellement longtemps, que c’en était effrayant. Souvent on me demandait si j’étais même capable d’en ressentir. Cependant, avec elle, c’était plus dur. Elle était la seule à m’atteindre ainsi. Et ça m’agaçait royalement. Quand on se retrouva face à face, je ne laissais rien paraitre. Froid. Distant. Pas un sourire. J’avais même envie de ne pas répondre. Mais c’était un peu poussé.

Salut … ça va, et toi? Autant la jouer copain/copain. Je ne m’attendais pas à te voir ici ce soir … d’habitude tu passes la soirée du vendredi avec les filles, non? Une manière de dire « qu’est-ce que tu fais là? ». Bon sang, je ne voulais pas être cruel. Je ne voulais pas la faire souffrir. Alors pourquoi m’y poussait-elle?